Article divers – gazette 89
La lettre d’Osterode du 06/03/1807 portant sur la création du train des équipages
Au général Dejean, ministre de la guerre : « …Rien n’est vicieux comme l’organisation des transports de la compagnie Breidt. Elle fait un mauvais service, mais elle en fait un. J’ai perdu une centaine de ses caissons, partie enlevés par les Cosaques, partie rompus dans les mauvais chemins. Ceux qui ont été pris par les Cosaques, au nombre de quinze ou vingt, ont été perdus par faute des agents, qui restent huit ou dix jours dans un même endroit.
Je voudrais que vous commençassiez à organiser économiquement ces équipages. A cet effet, je voudrais former des bataillons de transport des équipages militaires. Chaque bataillon aurait un conseil d’administration, et serait commandé par un homme ayant rang de capitaine dans la ligne. Chaque compagnie pourrait être composée de trente-deux caissons attelés de quatre chevaux chacun et conduits par deux hommes. Il est absurde de mettre un homme pour quatre chevaux; les hommes tombent malades et ne peuvent se remplacer, tandis que les chevaux se remplacent dans le pays. C’est aussi une mauvaise économie de ne mettre que trois chevaux par caisson. Ainsi il y aurait dans une compagnie 32 caissons, 128 chevaux de trait et 64 hommes. On y ajouterait une forge de campagne, une voiture de rechanges de harnais et d’approvisionnements de réparations pour les caissons. Chaque compagnie serait divisée en quatre escouades à chacune de huit caissons et commandée par un maréchal des logis chef. Six compagnies pourraient former un bataillon, qui se trouverait ainsi composé de 192 voitures, 768 chevaux et 384 hommes. Chaque bataillon aurait un quartier-maître. Il y aurait une masse pour l’entretien des caissons, une de harnachement et une d’achat de chevaux. Les caissons et harnais seraient fournis.
Par ce moyen nous n’aurions plus d’intérêt à opposer à l’intérêt de l’armée, ce qui n’est pas à présent; car, par exemple, lorsque j’ai intérêt, à ce que les caissons arrivent vite, l’entrepreneur a un intérêt opposé. D’ailleurs, rien n’est absurde comme ces marchés où l’entrepreneur joue à la loterie et où il peut être ruiné sans qu’il y ait de sa faute ou gagner un million sans raison. Causez de cela avec M. Lacuée. Rédigez un projet pour la formation de dix bataillons et faites-le discuter au Conseil d’État. Ensuite commencez par former un bataillon, et n’attendez pas ma signature. J’approuve d’avance le projet que le Conseil aura rédigé. Il serait utile qu’il y eût un chef de bataillon chargé du commandement du régiment, et un directeur général des transports des équipages militaires ayant rang de chef de brigade. Notre administration est dans une grande barbarie. Mais il ne faut pas toucher à la compagnie Breidt et avoir soin que ces nouveaux arrangements n’apportent aucun retard, et m’envoyer très-promptement tout ce qu’il y a de prêt des équipages de cette compagnie. Quoique mal organisée, elle m’a rendu de grands services. Je n’ai que 6 à 700 de ses caissons, et il m’en aurait fallu 3,000.
Je veux, par la nouvelle organisation, faire des transports des équipages militaires comme du train d’artillerie, qui m’a rendu de très-importants services. Sans la manière dont le train est organisé, je n’aurais pas pu tirer mon immense artillerie des mauvais chemins, et jamais une pièce n’est restée en route. Ces résultats dédommagent bien de la dépense que cette organisation occasionne en temps de paix; nous n’avons fait qu’un pas en administration, c’est celui-là. Il faut donc organiser de même le train des transports des équipages militaires. Ayez aussi soin d’ordonner que les caissons soient plus légers et plus solides, qu’ils soient construits avec un bois bien sec et avec une grande attention. On donnera au train des équipages un uniforme différent de celui du train d’artillerie. Ses charretiers doivent être appelés soldats des équipages; ils sont exposés, quoique ce ne soit pas de la même manière que le train. Mais chacun l’est dans une armée, et ce n’est pas un modique salaire, c’est l’esprit du métier qui porte à faire son devoir malgré le danger. Sous ce rapport on avait fait les commissaires des guerres militaires, et cela devait être.
En résumé, continuez à m’envoyer les brigades de la compagnie Breidt, dont j’ai grand besoin pour apporter les objets qui viennent de France. Organisez des bataillons du train des transports des équipages; et, aussitôt qu’une compagnie sera formée, faites-la partir. Vous pouvez fort bien commander encore à Sampigny une centaine de voitures, et m’en envoyer tous les mois une compagnie de 32 voitures. Cela réparera mes pertes. Mais ayez soin qu’elles soient bien construites ; de mauvaises choses ou des vieilleries ne servent à rien.
(source : www.histoire-empire.org correspondance de Napoléon mars 1807)