Rubrique historique n92
Le XIXe siècle verra la victoire définitive du feu et la fin des charges de cavalerie. Les derniers régiments de cuirassiers ou des uhlans seront totalement obsolète à l’aube de la Grande Guerre et disparaîtront définitivement peu après le début du conflit.
La Révolution clos le temps des guerres limitées de l’Ancien Régime et annonça l’ère de grandes guerres nationales. C’est l’avènement des guerres de mouvement qui aboutira progressivement à la guerre d’affrontement massif, industrielle et totale.
Mais à l’aube de l’Empire, les lents progrès du feu laisse encore la part belle à la cavalerie. Capable de s’adapter et de se mouvoir rapidement, elle joue encore un rôle prépondérant dans la reconnaissance, la recherche du renseignement, rôle dévolu à la cavalerie légère, et, sur le champ de bataille, dans la rupture, la poursuite et l’anéantissement de l’ennemi, rôle dévolu à la cavalerie lourde. La cavalerie française, dira sir Arthur Wellesley duc de Wellington, est la meilleure d’Europe.
Après la chute de l’Ancien Régime cependant, notre cavalerie ne brille guère lors des premières campagnes révolutionnaires. Bien que la Convention ne semble pas avoir touché à cette arme, entre 1789 et 1794, elle est l’objet d’une véritable crise.
L’équipement est plus qu’insuffisant et tout manque, aussi bien armement individuel que montures. La remonte est inefficace. On prend des chevaux de toutes espèces réunis dans les dépôts et qu’on envoie dans les régiments sans sélection ni préparation.
L’instruction des cavaliers est médiocre du fait du manque de cadres. Gouvion-Saint-Cyr, l’autre grand réorganisateur de l’armée sous la restauration, en est le témoin. Il observera à l’armée du Rhin qu’un tiers des cavaliers ne savaient pas monter et qu’autant de chevaux n’étaient pas dressés.
L’organisation tactique de l’armée révolutionnaire ne facilite pas les choses. Elle est organisée en divisions mixtes composées de deux brigades d’infanterie, deux compagnies d’artillerie et un ou deux régiments de cavalerie.
Cette dispersion interdira toute manœuvre d’ampleur ou action de masse. La tâche de la cavalerie consiste à appuyer l’infanterie. On commettra exactement la même erreur en organisant l’armée française de 1939 selon le même schéma avec l’arme blindée. On sait ce qu’il advint.
Fort de ce constat, la situation s’améliore à partir de 1796 avec la création du corps d’inspecteurs qui déploreront vite la nullité de l’instruction de la cavalerie française. On revient donc à une organisation proche de celle de l’Ancien Régime et on crée à Versailles, en septembre 1796, une école d’équitation. Chaque régiment devait y envoyer un officier et un sous-officier lesquels seraient formés pour devenir à leur tour instructeurs dans leurs unités respectives. En 1799, deux autres écoles verront le jour : à Lunéville et à Angers.
Puis, du point de vue opérationnel, Moreau constitue une petite réserve de cavalerie en prélevant sur les régiments des divisions. En Italie, Bonaparte ne laissera aux divisions qu’un seul régiment de cavalier et regroupera tous les autres en deux divisions distinctes.
L’une sera confiée à Masséna et l’autre sera de réserve. C’est en Italie que Bonaparte donnera à la cavalerie son rôle dans la reconnaissance et la rupture.
Ainsi, ce sera la réserve de cavalerie qui décidera par ses charges de la victoire de Mondovi, le 21 avril 1796, et les régiments de Masséna joueront un rôle très important à Lodi, le 10 mai 1796. Ce sera encore la charge de la cavalerie de Kellermann, qui décidera, en appuyant Desaix au moment le plus opportun de la victoire de Marengo, le 14 juin 1800.
Napoléon constata les faiblesses de son arme équestre. Il va, en organisateur infatigable, lui faire connaître une évolution sensible. En 1789, il n’existait plus qu’un régiment de cuirassiers que garda la Révolution. Il composait avec les vingt-quatre autres régiments de cavalerie de ligne et deux de carabiniers, la cavalerie lourde.
En 1802, il cuirasse trois autres régiments et huit autres en 1803. Au final, la cavalerie française se composera de douze régiments de cuirassiers, deux de carabiniers, trente régiments de dragons, vingt- six de chasseurs à cheval et treize de hussards. Les cuirassiers et les carabiniers concentreront leur action sur le choc. Les chasseurs et les hussards assureront les missions d’éclairage, de renseignement et de protection des flancs de l’armée. Les dragons et plus tard les lanciers, formeront la cavalerie de ligne.
Enfin Napoléon abandonne les divisions mixtes et institutionnalise les corps d’armée, en 1805, composé de deux divisions d’infanterie, un détachement d’artillerie et une division ou une brigade de cavalerie. L’Empereur constitue également une réserve de cavalerie lourde et légère. Il dispose ainsi d’une arme équestre agissant de manière autonome, puissante et mobile.
Au combat, le recours au choc est préféré au feu. La doctrine d’emploi des cavaliers est toujours semblable au siècle précédent et le sabre est l’arme de prédilection du cavalier. Le mousqueton est utilisé défensivement.
Selon le règlement, les cavaliers partent au trot puis prennent le petit galop à deux cent pas de l’ennemi. A quatre-vingt pas, ils prennent le galop de charge. Il faut noter cependant, que les charges au grand galop relèvent plus des fantasmes hollywoodiens que de la réalité. Il faut s’imaginer en effet ce que pouvait être un champ de bataille jonché de débris divers, de caissons brisés etc. De plus, il fallait tenir les rangs.
Bismarck, témoin de la campagne de 1809 et des grandes charges d’Eckmühl, relate que nos cuirassiers ne prirent jamais d’allure autre que le trot. Enfin, les charges s’effectuaient en échelon plutôt qu’en ligne. Il fallait donc se préoccuper uniquement de ce qui était devant.
L’emploi tactique de la cavalerie évolue donc avec le nouvel emploi qu’il en est fait. L’Empereur insiste sur l’efficacité des cuirassiers. Leurs charges sont constamment utiles.
Elle interdit à l’ennemi une partie du terrain, rétablie une situation compromise ou soutien une attaque décisive comme à Wagram en 1809 ou à Eylau en 1807. Huit à dix mille cavaliers chargent les Russes. Les cuirassiers d’Hautpoul enfoncent la première ligne d’infanterie et créent une brèche pour le reste des escadrons. La seconde ligne est enfoncée de la même manière mais Murat se heurte ensuite à l’artillerie russe soutenue par une dernière ligne d’infanterie. Les deux premières lignes russes se reforment et risquent d’enfermer nos cavaliers. L’Empereur envoie alors la cavalerie de la Garde, qui enfonce à nouveau les Russes. Detaille reproduira cet épisode fameux mettant en scène le colonel Lepic se retournant vers ces hommes avec cette légende : « Courage messieurs ! La mitraille n’est pas de la merde. » Ce faisant, ils dégageront Murat, briseront l’attaque russe et sauveront notre centre.
La poursuite est tout aussi importante que le choc. D’ailleurs, faute de cavaliers, les victoires de Lützen et de Bautzen ne purent être exploitées. Ce que l’artillerie avait aussi évoluée en qualité et surtout en nombre et l’usage de plus en plus courant du carré d’infanterie contre la cavalerie ont fini par clairsemer ses rangs. Un cavalier étant, par essence, plus difficile et plus long à former qu’un fantassin, ils feront défaut à la fin de l’épopée napoléonienne.
En théorie, on ne charge que contre une infanterie déjà ébranlée et contre les flancs de l’artillerie, avec le soutien de l’infanterie. Ca n’a pas été le cas à Waterloo. A la fin de l’Empire, on sait que la cavalerie n’emportera plus à elle seule la décision et Napoléon 1er parle alors de puissance combinée : infanterie-cavalerie-artillerie. A partir de 1815 et jusqu’en 1914, ce sera le siècle du déclin pour toutes les cavaleries. La guerre franco-prussienne constituera une rupture décisive avec l’avènement de l’industrialisation mécanique et la triste charge de Morsbronn en 1870 en sera le prélude à son chant du cygne.
Campagne (Source principale : Histoire de la cavalerie)